Comment vous portez-vous ?

Comment entendre, comprendre ce verbe ?

De quel port s'agit il ?
Se porter : « être dans tel ou tel état, ou situation ».
Porter, se porter.

Écoutons comment il est utilisé dans le langage :

Porter quelqu'un, porter, être enceinte, porter quelque chose, qui pèse, ou bien la lumière, bien sûr porter sa croix, mais également porter son enfant, porter un toast, porter secours, porter le chapeau, tout peut-être porter : un coup , des armes..., des vêtements , des ornements... Porter des cornes, porter le deuil, porter dans son cœur. On peut « porter quelqu'un aux nues », porter en terre ou porter témoignage, on porte des objets, des sentiments, de l'aide, des jugements. Porter atteinte, aussi porter (tenir) une partie du corps de telle ou telle manière, nous portons tous un nom, il arrive aussi que la nuit porte conseil. On peut être porté et porté à..., être porté à..., être porté sur...

Et quand le verbe devient pronominal : se comporter, se porter, se diriger (vers), on se porte candidat, être dans un tel ou tel état ou situation. Je me porte assez bien, se porter bien. Être porté, très bien porté, " à la mode ". Se faire porter malade, se faire porter pâle.

Verbe plus rarement intransitif : porter à faux ( si mauvais pour le dos ! ), le discours porte sur..., le coup a porté , avoir eu de l'effet, avoir pour objet, toucher le but, une odeur m'a porté à la tête, me porter sur les nerfs. Porter en soi, avoir en soi. Porter… J'y vois le port, la porte, et aussi la portée (musicale parfois), Porter secours, porter des fruits.

Ce terme est souvent en relation d’une charge et d’un transport et de la mesure de cet acte ; gravité et légèreté,… Au propre comme au figuré, il y a des choses qui sont lourdes, pénibles à porter et d’autres légères et agréables. La racine de ce mot indique la notion de traverser (per), faire passer, de passage (portus : entrée d'un port), d’ouverture et de porter (à dos d'homme ou d'animal, sur charriot ou bateau).
Ce mot serait issu d'une racine indoeuropéenne bher (porter, apporter), donnant en latin ferre (qui porte), « porter (dans son ventre), supporter, rapporter, raconter » ; qu'on retrouve avec le radical fer : fertile, florifère, fructifère, prolifère, différence, préférer, somnifère... et offrir, souffrir ( porter sous, supporter ). Lucifer " le porte-lumière ".

Et en grec pherein « porter » et son radical pher, phor: périphérie, métaphore, téléphérique, amphore, euphorique. Par combinaison et croisement avec les racines tel, tol, tla « soulever, supporter » nous rencontrons par exemple Atlas (qui soutient les colonnes du ciel) - et qui donne son nom à la première vertèbre cervicale articulée au crâne.

Nous retrouvons ce sens dans les mots comme référence, relation, tolérance.

Comment se porte-t-il ?

« Il se porte comme un charme » ou « comme un chêne ». À Paris, on entend « il se porte comme le pont neuf ». Se porter comme un arbre, comme un pont. Dans le premier psaume :

Heureux est l’homme…
Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu’il entreprend réussira…

Ainsi dans l’acte de se porter nous trouvons la relation au ciel, à la terre, à l’environnement. Notons que, à l’instar de la genèse du mot, la portance se rencontre charnellement dans le ventre maternel, puis dans les bras de nos parents. Plus tard, l’être rencontre le soutien terrestre et s’ouvre à l’environnement. Il découvre progressivement de nouvelles expériences de portance. Il peut devenir conscient de ces nouveaux supports et soutiens (matériel, psychologique, énergétique, spirituel).
Comme je me porte indique alors ma situation, mon état du moment. L’idée, l’image de solidité, de stabilité, de résistance est présente avec celle d’ouverture, de traversée et de capacité de transfert, de transport. Comme je me porte témoigne de ma manière d’être, de mon équilibre de santé, de ma façon de traverser mon existence, de l’aptitude que j’ai d’accepter la charge qui m’incombe. Comme je me porte révèle ma relation à la pesanteur, à la gravité, à la légèreté. Cela montre mes aptitudes de redressement, de relâchement, de tenue. Mon être, mon corps subit la chute ou s’ouvre à l’érection. L'état de mon corps influence mon appréciation de comment je me situe dans ma vie comme ma perception de ma situation dans mon environnement influence ma posture. Cet environnement étant autant physique qu’humain.

Après une séance d'ostéopathie bénéfique, les patients témoignent d'une tenue de leur corps différente : "je suis bien planté dans le sol", "plus stable", "je ne sais pas si je pèse une tonne ou si je suis léger", "meilleur ancrage", "je suis porté par les pieds", "les pieds dans le sol et tiré vers le ciel", "plus ouvert", "plus droite, sans effort",...

La séance contribue à soulager, à rendre plus léger. C’est une façon de se remettre d'aplomb. Cela aide la personne à se relever (se « remettre debout, sortir d'une maladie, répondre vivement ») ; elle se sentira alors allégée, supportera autrement le poids. Puisse ce nouvel état contribuer à ne plus porter avec difficulté, avec douleur ou maladresse la charge, les charges ; ou au moins demeurer attentif à les porter en prenant soin de soi et de son corps.

Alors qu'avant un soin, certains patients témoignent ainsi de leur état : "je ne suis pas trop en place", "je suis tordu", "en vrac", "tassé, ça s'est tassé", "je ne tiens pas", "je suis déséquilibré", "désaxé", "bancal", "je me raidis",...

L’étymologie confirme, chaque jour en clinique, que les mots que les patients utilisent pour décrire leurs maux sont pertinents et vrais.
Une séance permettra donc de repérer comment et où avec le corps, nous prenons en nous les charges, les événements ; comment nous les "encaissons", nous "accumulons", comment nous tenons, comment on prend les choses, comment on " prend sur soi ".

" Qu'est-ce que je porte comme charge lourde inutilement ", puis je me demander, quand " j'en ai plein le dos " ?

Or, le corps imprime plus facile qu'il exprime... L’ostéopathe va, sur cette portée heurtée, dans ces chairs meurtries et cette charpente malmenée, chercher et trouver à redonner de l’aisance naturelle, du mouvement, de la souplesse, de la fluidité, du jeu aux articulations et divers rouages anatomiques ainsi qu’une ample respiration à ce corps endurant et douloureux.

Le traitement ostéopathique soulage ; il permet d’ôter dans la mécanique corporelle les points de fixité, les contraintes qui détournent l’organisme de ses points d’appui physiologiques nécessaires à une tenue naturelle. Il permet, ainsi, à l’être de recouvrer en soi ses appuis, ses soutiens.

Alors, il devient possible de se relâcher, se poser, se re poser, se placer, se situer, s’arrêter, et se sentir porter, tenu ; peut-être accepter de laisser tomber quelque chose et lâcher prise.

Tout cela est plus aisé quand notre tenue est libérée de contrainte, et redevient naturelle, quand nous sentons cet équilibre en nous, quand nos appuis sont sûrs. Nous constatons, par exemple, que nos épaules sont lâchées et que nos bras ne tombent pas. Nous sentons notre tête qui tient toute seule.

Mon rôle de médecin et d’ostéopathe est d’encourager les patients à se sentir intérieurement, à les inciter à se relâcher en conscience, à se mette à l'écoute de soi en soi. Une conscience du corps restaurée est l'occassion d'acceuillir autrement les messages que le corps délivre. Maux et mots prennent alors une résonnance différente et peuvent se mettrent à dialoguer.

Quand je me sens porté par -soutenu-, quand j’ai rencontré où m’appuyer, quand je me laisse porter, la tenue de mon corps est naturelle, aisée. Je me laisse porter quand j’ai rencontré réellement un appui, un socle, une base, un soutien. Cette relation aux supports n’est jamais que matérielle. La confiance que j’ai en eux est primordiale, essentielle, fondamentale. Je me porte bien parce que je me sens porté. Je me porte bien quand ce que je porte peut être fructueux.

Contribuer à restaurer cet état est une fonction du médecin. Or, l’ostéopathe, par la spécificité de sa technique et son écoute, dispose dans l’immédiat de la consultation des atouts pour mener cette tâche de manière naturelle (non médicamenteuse).

Le corps est désormais dégagé, ré-équilibré, ré-orienté. Le port est naturel, la porte est ouverte, la portée accueillante et généreuse. Peut se rencontrer, alors en soi, le lieu, l’espace pour goûter le havre de ce port.
Cet état, ce sentiment de soulagement, d’aise, de bien-être, de confiance s’appelle l’euphorie. Certains patients, se relevant de la table de soin, s’exclame : " je me suis rarement senti aussi bien ! "

Voilà pourquoi aussi, il est si important que la façon de porter le bébé puis l’enfant lui procure la sensation sécurisante qu’il peut se laisser porter et bouger librement.

Portez vous bien ! De port en port !