De la nécessité de se poser
{Il y a toujours quelque chose à faire . Qu’est-ce, alors, qui peut nous arrêter et nous inviter à nous poser ? Nous le découvrirons par la suite.
Anyway ! Vous voilà enfin poser et débutez cette lecture. Vous n’êtes plus actif volontairement. On pourrait dire que vous êtes « comme en roue libre ». Appréciez-le …
Et si, maintenant, je vous propose de suspendre un instant cette lecture, mais tout en restant où vous êtes sans bouger, … , que se passe-t-il ?
Observer … Comment vous êtes installé ? Pouvez-vous un peu rester sans rien faire ? Que se passe-t-il là, autour de vous et en vous, ici et maintenant ? Que sentez-vous ? Que ressentez-vous ? Où votre attention se pose-t-elle ? Comment juste apprécier cette situation, cet état ? Y a-t-il un inconfort ? De quel ordre est-il ? Physique, mental, émotionnel ? Où se situent vos tensions, vos gènes, vos douleurs ? Et quid de vos pensées ?
Votre respiration est-elle présente ? Écouter la. Sentez la. Quelle partie de votre corps mobilise-t-elle ?
Prendre le temps de sentir sa respiration est un si précieux présent pour se relier à sa vitalité. Goûter la. Rester avec elle. Regarder la. Laisser vous toucher par elle. Pourquoi est-ce si difficile d’y parvenir ? Pourquoi est-ce difficile de s’arrêter ? Il y a certainement mille raisons à cela.
Je préfère vous inviter, dès maintenant, à le vivre plutôt que disserter sur ces raisons.
Un petit accompagnement peut être utile.
S’arrêter, se poser, est appréciable dès que vous en goûtez la détente. Observez ce que cet arrêt, cette pause vous apporte.
Est ce facile ? Non… Serait ce que votre intellect est bavard et vous empêche de sentir simplement dans votre corps les effets de cette suspension de l’activité.
Comment détourner notre mental de son attirance pour ce bavardage ?
Je vous propose d’amener votre attention sur votre respiration. Notre respiration est toujours là, en toute circonstance. Observer le flux de l’air qui entre et qui sort ; cet air qui vient de l’environnement, qui va entrer en nous pour nous apporter l’oxygène nécessaire à toutes nos cellules, puis ressortir et retourner dans l’environnement. Sentez ce flux transiter dans vos narines. Observer … Sentez que cette entrée d’air dilate votre poitrine, et amène un léger gonflement de votre ventre. Sentez cela .
Observer que quelque chose se dépose sur le lieu où vous êtes posé. Laisser votre corps dans le champ de la gravitation. C’est la condition pour accueillir la réaction du sol qui permettra le redressement. Celui-ci apparaîtra d’autant plus aisément que vous aurez invité votre tête à se placer au-dessus, à l’aplomb de votre bassin. Rencontrez cet appui, ce soutien. Habitez votre demeure première, votre corps, de cette assise, ces fondations jusqu’au plafond, votre voûte crânienne. Relâchez le ventre, relâchez les épaules . Sentez entre bassin et tête votre colonne vertébrale se redresser en douceur. Allez visiter toutes les pièces de votre corps ! Laissez le souffle et l’esprit remplir tout l’espace. Imaginez que la respiration oxygène chaque cellule dans tous les recoins de votre corps et active la circulation interne des fluides. Observez toute sensation qui se présente. Goûter la fluctuation du souffle qui nourrit, nettoie, éclaire, éveille, vitalise et apaise…
Notez que la respiration produit un double mouvement de descente et de montée. Pendant que l’air pénètre en vous par le haut et de l’extérieur, donc dans un mouvement de descente et d’entrée, quelque chose semble s’éveiller en bas, en dedans, et en même temps se soulever et s’ouvrir. À l’expiration, l’air chargé de gaz carbonique et de toxines sort ; un relâchement, un léger repli sur soi se produisent. La poitrine s’abaisse, le ventre rentre. Suivez l’inspire et l’expire, avec ce subtil moment de bascule, de suspension entre les deux. L’inspire encourage le redressement, l’expire le relâchement.
S’accorder ce temps, de pause, de re-pos(e), cette écoute de ce qui se passe en soi, nous conduit à contacter en nous un espace pour l’esprit. Or l’esprit est lié à la respiration - comme l’étymologie nous l’indique . La respiration est le lieu dans lequel le souffle est activé.
Apprécions donc ce lien de l’esprit avec l’expérience du souffle.
Prendre le temps de se sentir respirer nous relie et nous ramène dans le présent. Ce n’est pas un acte intellectuel ; l’activité du mental peut volontiers être suspendue - ou du moins être posée sur ce flux de l’air en nous qui va et qui vient. Il s’agit d’être réellement avec cela, ici et maintenant.
Invitons la plénitude de l’inspire et de l’expire à s’exprimer. Goûtons la. Poser pleinement notre attention et tous nos sens sur notre respiration, c’est-à-dire autant à l’inspire qu’à l’expire et même à ce qui se passe entre les deux, nous amène naturellement à une expérience intérieure nouvelle. Habituellement, le plus souvent, l’inspire est active et l’expire passive. Observons, ici, quand l’expire est profond, non forcé mais complet, qu’un espace s’ouvre pour accueillir l’inspire qui suit, et que celui-ci est aussi une détente.
Ainsi, alors, dans l’intime de notre être, au-delà des inconforts, des douleurs et de la souffrance, nous pouvons rencontrer un lieu, un espace de tranquillité, de douceur, de paix.
En peu de temps une autre partie de nous-même a pris plus d’importance. Ce que nous avons observé se poser s’est mis à exister . Le spectacle prime, alors, sur le spectateur !